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Topinambours et Billevesées FO/tuppl*

Les Tupinambas, ancêtres des topinambours et voisins pas commodes

2 Juin 2007 , Rédigé par JCR Publié dans #Calambredainantesque

Si les Tupinambas, descendants de la grande nation Tupique, avaient su qu'un tubercule porterait le nom de leurs ancêtres...
homme-massue.jpg
En 1552, Hans Staden, un jeune aventurier de Hesse, embarque sur un navire espagnol vers le Brésil, pays des infâmes Tupinambas. Des populations légendaires que les témoignages imaginaires d'alors, décrivent comme des monstres cynocéphales (à tètes de chiens), mangeurs d'hommes qu'ils élèvent comme du bétail. Capturé par les indigènes, avec l'équipage, après leur naufrage, Staden sauve sa peau en prétendant être français et , donc, ennemi des espagnols, contre qui les Tupinambas sont en guerre.

Alors que les membres de la tribu allument le feu sous la marmite villageoise, d'autres exécutent les espagnols à la massue. La figure de Staden apparaît barbue, ligotée au milieu du village. Il relate que le chef Konyan Bebe l'aurait mis au défi de prouver qu'il était bien français:

J'ai déjà capturé et mangé cinq portugais qui prétendaient tous être français, mais ils mentaient! Le baragouinage du jeune allemand a finalement convaincu le chef qui l'a épargné.

homme-arc.jpgIl reste deux ans dans cette contrée vaste et fertile; la nature y déploie toute sa magnificence; ce sont des bois d'orangers qui, au moindre vent, semblent couvrir la terre de neige en laissant tomber leurs fleurs; aux rayons d'un beau soleil, le bananier courbe son bouquet d'or (...) Une odeur suave descend de la cime des arbres. Qui a traversé [la] forêt répand autour de lui les parfums de mille plantes : sa chevelure est embaumée, son haleine est fraîche et pure. [chronique brésilienne, 1830].

De retour en Europe en 1557, il édite le récit de sa captivité, richement illustré de gravures sur bois décrivant la vie des américains. Son ouvrage [ici], "Captivité de Hans Staden de Hesse, en A.D. 1547-1555, parmi les tribus sauvages de l'est brésilien" et sa spectaculaire iconographie, connaît un immense succès. Ce furent les premières images réalistes des populations américaines a être diffusées. Avec d'autres récits, notamment "l'Histoire d'un voyage faict en la terre du Brésil" [édition 1611]de Jean De Léry [wiki], les gravures de Staden ont durablement influencé la vision d'une partie des européens du nouveau monde.

Les tupinambas ou tououpinambaoults, ne sont pas ces cannibales à tètes de chiens qui faisaient tant frissonner
les européens, cinquante ans plus tôt. Ils ont des familles, vont à la pêche, élèvent leurs enfants comme tout le monde. Installés dans la région de Bahia, ils se disent fils de Tupan ou du tonnerre.

peche-arc.jpgUne contrée riche et fertile...

vie-femmes.jpgIls ont des familles, élèvent leurs enfants.

peche-boucan-hamac.jpgLe poisson est séché au boucan pour en faire de la farine

« Les Tupinambas, dont les moeurs offrent à l'observateur un tableau étonnant, sont, pour la plupart, des hommes robustes et belliqueux. Leur jugement est naturellement sain et juste; ils aiment la vérité. (...) Spirituels et braves, ils l'emportent sur tous les naturels du Brésil. Leurs yeux sont noirs et animés, leur peau est cuivrée » [chronique brésilienne, 1830] (fr)

Leurs grandes huttes peuvent abriter plusieurs familles, elles entourent la place du massacre. Le village est entièrement ceint d'une palissade défensive sur laquelle ils piquent volontiers les cranes des victimes. Les hommes se rasent la tète comme des moines et se montrent loyaux envers leurs amis. Ils se lavent souvent les mains et la bouche, ne mangent que s'ils ont faim, dans le plus grand silence. Ils s'amusent facilement et, les jours de massacres, se livrent souvent à des beuveries et des danses, qui peuvent durer trois jours et trois nuits, sans manger.

agriculture-croix.jpgLes femmes cultivent un "gros mil" (maïs?), ils se montrent tolérants avec leurs amis.

staden-prisonier.jpgStaden, ligotté est tiré vers la place des massacres
 

fumette.jpgLes Tupinambas fument autour de lui...

beuverie-danses.jpgIls dansent et boivent des nuit et jour les jours de massacres.

En revanche, ils se montrent d'une terrible cruauté envers leurs ennemis parmi les tribus voisines. Ils ont l'habitude, après les combats, de continuer à défier leurs prisonniers en leur crachant dessus et en les provoquant encore. Ces derniers sont ensuite massacrés, débités en morceaux et aussitôt boucanés, c'est à dire passés sur les nombreux boucans, (une sorte de gril à feu doux sur lequel la viande cuit de longues heures). Le poisson est séché et transformé en farine pour sa conservation. Le cannibalisme entre dans un contexte de relations de voisinage complexes. Il n'était pas rares que les prisonniers partagent un certain temps la vie du village avant d'être sacrifiés. Ne pas prendre ce repas revenait à se mettre au ban de la tribu. Les enfants jouent communémment avec les cranes et les yeux des victimes, comme avec des balles.

Ils réservaient cependant un sort particulier aux portugais, qu'ils enterraient jusqu'à la poitrine pour les utiliser comme cibles de tir à l'arc.


Boucannerie.jpgStaden baragouine un français d'operette au milieu du massacre des espagnols.

boucherie.jpgNo comment...

marmite.jpgLes enfants jouent aux billes avec les yeux...
 

enterrements-vieillards.jpgScène d'enterrement (?) et les vieillards respectés comme des dieux.

 
Les publications ultérieures reprennent, souvent en les adaptant au détriment de la réalité, les gravures de Staden. Notamment le troisième volume des Grands Voyages en Amérique (30 vol. entre 1590 et 1634) de Théodore De Bry et ses fils [voir Harry J. Brown] (ang). Editeur protestant flamand, il avait fuit les catholiques espagnols pour trouver refuge à Frankfort. L'humanisation des indigènes servait alors les desseins des puissances coloniales protestantes en accordant un visage humain aux esclaves des espagnols. Le retentissement de ces relations de voyages chez les tupinambas aurait contribué à créer l'idéal de bon sauvage en Europe. Via l'excellent bibliodissey (ang).

guerre.jpg

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C
Ni barbares sanguinaires, ni bons sauvages...simplement des gens dont la culture échappait un peu à nos ancêtres qui n'étaient pas des anges non plus.Intéressant en tout cas, j'ignorais que c'était un peuple qui était à l'origine du nom des topinambours ;-)
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J
Je me demande quand meme en quelle langue Staden a parlé avec le chef Tupinamba. Apparamment les pratiques antropophages étaient assez répandues... Ce n'était pas que un fantasme d'européen comme on l'a beaucoup dit par la suite.
M
ce qui est bien chez toi c'est qu'on ne s'ennuis jamais et qu'on apprends plein de choses !j'adore te lire ! Continus !BisousMarino
Répondre
J
Si tu m'encourages gentiment comme ça pas de risque que j'arrête :)